PATRONYME ▹ Gunnar. On t'a prédestiné une vie de guerrier, mais c'est fini, l'âge d'or des Vikings. C'est fini, les drakkars et les aventures jusqu'aux confins des terres inexplorées. Elles sont occupées, maintenant. Et t'y habites. Sørensen, parce que t'es qu'un produit du Danemark. Et qu'il y a des siècles, un homme s'appelait Søren et que son rejeton ne répondait qu'à l’appellation "fils de". DATE ET LIEU DE NAISSANCE ▹ T'es né un vingt-deux décembre, en plein cœur de l'hiver. T'aurais pu être le cadeau de Noël de tes parents ; mais t'en as décidé autrement en te pointant deux jours à l'avance. Le service de pédiatrie de Copenhague, au Danemark, lui, t'attendait déjà. Et c'est bleuie par le cordon ombilicale autour de ta nuque que tu as failli mourir. T'es né froid. OCCUPATION ▹ T'es psychologue. Tu soignes les âmes malades et les cerveaux en perdition. Enfin, tu essayes. Tu donnes des cours à tes futurs confrères, aussi. De temps en temps. Quand la faculté de Juneau t'appelle, désespérée de découvrir qu'un énième professeur à traîner trop longtemps sur la glace avant d'attraper une grippe. CLASSE SOCIALE ▹ T'es aisé. Ton métier te permet des luxes que d'autres ne peuvent se permettre. Tu voyages dans des lieux incongrus, tu t'offres une maison de 100m² - mais même les rires de ton fils ne comblent pas le vide - et ton cabinet, il t'appartient jusqu'aux dernières briques. ORIENTATION SEXUELLE ▹ Hétérosexuel, que tu te dis. Mais au fond, tu sais pertinemment que tu aimes autant les cuisses masculines que féminines. T'oses juste pas te l'avouer. STATUT CIVIL ▹ T'es veuf. T'as été mariée à une déesse. Ton Aphrodite, t'as Perséphone, ton Héra. Elle a disparu, mais pas ses yeux verts. Elle les a transmi à votre fils, qui l'a pourtant saigné jusqu'à la dernière goutte en lui déchirant le ventre. CARACTÈRE ▹ Pour tes patients, tu es calme, à l'écoute, aimable, observateur, tolérant, rassurant, serein et inébranlable. Pour toi-même tu es meurtri jusqu'à l'os, colérique, désabusé, négatif et ébranlé.

un - Tu as un fils de six ans, Erik Sørensen. C'est tout ce qu'il te reste de ta bien aimée épouse, partie trop vite, trop tôt. Sans même que tu aies le temps de la serrer une dernière fois dans tes bras. Tu l'aimes et tu le hais, ton rejeton. Tu l'aimes pour ses pupilles vertes et ses remarques aussi pertinentes que celles de sa mère. Tu le hais pour ses boucles blondes et ses moues boudeuses semblables aux tiennes. T'aurais préféré qu'il soit comme elle jusqu'au bout des ongles. Mais tu t'estimes déjà chanceux que Mona t'ait laissé quelque chose avant de sombrer six pieds sous terre. Tu tiens les deux bouts pour lui, pour elle. T'essayes de lui montrer que oui, t'es capable d'être un bon père.

deux - Tu lis. Beaucoup. N'importe quoi. Que ce soit un roman, un essai, une bande-dessinée, des théories sur la relativité ou même des biographies, tout ce qui passe entre tes doigts s'achève en quelques jours - voire quelques semaines, lorsque le temps te manque. Ça te permet de te changer les idées. D'oublier le passé, le présent et le futur. De te focaliser sur la vie d'autrui et les élucubrations de savants adulés. Tu n'existes plus. Tu lis, c'est tout.

trois - Tu sais jouer du piano. Tu sais aligner les notes à la perfection, après des années à te rompre à l'exercice. C'est ta mère qui a insisté. Un bon garçon, c'est un garçon qui pianote sagement sur son banc. Tu connais tes classiques. Et tu aimes Beethoven, Mozart et Chopin de la même manière. Cependant, t'as jamais osé accepter la proposition de ton conservatoire de persévérer, quand t'étais gamin. T'as préféré te cloîtrer dans ta chambre, trop timide, trop craintif. T'aurais pu être dans un orchestre. T'aurais pu faire des concerts. Dommage. T'as préféré changer de chemin.

quatre - Ton tatouage, tu l'entretiens - difficilement. Flanqué dans ton dos, le long de ta colonne vertébrale, toutes les phases lunaires. Parfaitement alignées et ordonnées. Et pile au centre, la pleine lune : un rond formé à l'encre noire. Tu te souviens encore du jour où tu t'es allongé sur la table du maestro, à vingt ans. Tu as tremblé comme une feuille. Tu t'es même évanoui, alors que le tatoueur s'est dangereusement rapproché de ton bassin. On t'a prévenu pourtant, que les vertèbres font parties des zones les plus sensibles de l'anatomie humaine. Et t'as pas pensé à l'aiguille qui pénètre ta peau pour figer le noir sur ton corps jusqu'à ce que ton cadavre pourrisse. Tu l'aimes, ce tatouage.

cinq - Parfois, tu prends quelques pilules euphorisantes. De la MDMA, que ça s'appelle. Un psychotrope qui booste tes nerfs et qui t'oblige à exhiber ta joie à la gueule du monde. Ça te rend énergique. Ça te fait du bien. Mais c'est qu'un passe temps à la régularité aléatoire. Tu ne te rends juste pas compte que ça te détruit et que plus la consommation augmente, plus la dépression s'approche de ton paillasson. Tu nies.

autres ▹ Malgré qu'il soit veuf, Gunnar porte toujours son alliance au doigt. | Il cavale dans les rues gelées de Juneau pour se vider l'esprit trop souvent pour que ce soit sain - et il se planque en forêt pour avaler ses pilules paradisiaques. | Il boit, parfois. De la vodka. | Il a quitté le Danemark pour rejoindre Mona Jenkins sur ses terres natales. Il a été naturalisé américain. | Il s'est spécialisé dans la psychologie infantile et adolescente ; mais il ne refuse pas les adulescents à toquer à la porte de son cabinet. | Il aime les terres froides et arides. Parce qu'elles ressemblent à son cœur.