« on s'inquiète pour toi tomàs... tu n'as pas l'air bien ces derniers jours. » tu tournes la tête vers ta mère qui vient d'entrer dans la pièce, tu retiens un léger soupire. t'as envie de rire, parce que cette situation elle dure depuis ton retour et tu la supportes plus. « y'a deux mois j'ai vue ma carrière professionnelle tomber en miettes à cause d'une blessure. il y a des fortes chances pour que je puisse plus jamais voler avec assez de dextérité que pour retourner en mission. mon père et une de mes sœurs sont profondément homophobes et à chaque fois que je croise ton regard t'es à deux doigts de pleurer. alors non, maman, je ne vais pas bien en ce moment. » toi t'es appuyé dans l'encadrement de la porte du salon, t'observes ta mère un moment, puis ton père qui s'est replongé dans son journal comme si t'existais pas, t'as envie de lui dire d'aller se faire foutre. tu retiens un soupir et tu te redresses avant de te diriger vers l'entrée et d'enfiler ta veste, non sans retenir une légère grimace quand ton épaule te fait souffrir. tu laisses la porter claquer derrière toi et tu sors ton paquet de clope de ta veste pour en glisser une entre tes lèvres. tu marches dans les rues de la ville sans trop faire attention aux bâtiments et aux personnes qui défilent tout autour de toi. l'air frais de la nuit qui tombe te fais du bien. tu ne supportes plus de rester enfermer, encore moins chez tes parents. tu songes d'ailleurs réellement à te trouver un appartement et à te barrer définitivement. mais vivre seul ne t'enchantes pas réellement non plus. tu soupires doucement, observant la fumée blanchâtre s'évaporer dans l'atmosphère. tu relèves la tête et tu observes la ville autour de toi. kodiak t'as manquée. tu peux dire tout ce que tu veux, c'est chez toi ici. ton cœur loupe un battement quand tu te rends comptes que t'es pas très loin de la ou habite enzo. enzo. t'as eu son adresse par une de tes sœurs. tu fermes les yeux un moment et passe une main tremblante sur ton visage. en deux semaines t'as toujours pas eu le courage d'aller le voir. tu reprends ton souffle. après quinze ans, tu respires lentement et tu t'engages dans les rues de la ville que tu connais trop bien.

les mains toujours dans les poches. t'hésites. t'as peur. toi-même tu ne sais pas réellement de quoi. du rejet ? des coups ? des mots ? un mélange, sans doute, un cocktail explosif de tout ça. tu espères le pardon, tu espères entendre quelques mots murmurés du bout des lèvres, ceux qui libéreront le poids qui pèse sur ta poitrine, qui t'empêche de respirer depuis des années maintenant. un aveux. un secret. le souvenir de toutes vos nuits passées dans les bras l'un de l'autre. mais après tout, c'est toi qui a tout foutu en l'air. c'est toi qui es parti, qui l'a prévenu la veille, tu t'en enfuis comme un voleur, t'as jamais renoué contact. t'es jamais retourné le voir. pourquoi est ce qu'enzo il te pardonnerait de tout ça ? tu toques fébrilement à la porte. c'est trop tard pour reculer maintenant. trop tard pour penser au passer. et peut-être même trop tard pour demander le pardon. alors quand, après quinze ans, tu te retrouves face à lui, t'es incapable de dire quoi que ce soit, y'a juste son prénom, en un murmure, sur tes lèvres. « enzo ... »

l'impression d'avoir un étau qui compresse ta poitrine, cette sensation désagréable de ne pas respirer correctement, d'être gêné par un on ne sait trop quoi qui en réalité, n'est que le fruit de l'imagination et du stress. tu passes une main dans tes cheveux alors que tu tires une dernière fois sur la clope entre tes lèvres, avançant lentement dans la rue. parfois tu te demandes comment les choses auraient pu être, comment elles auraient dû être, si tu n'étais pas partis. si tu avais enfin osé dire à ton père tout ce que tu pouvais bien ressentir alors que t'étais encore un gosse de dix-neuf ans. un gamin encore un peu perdu et qui se cherche, ouai, mais au moins avec enzo t'étais heureux. t'en oubliais le temps qui passe et le poids qui reposait sur tes épaules. tu te sentais juste bien, dans ses bras, son corps contre le tien, simplement sentir cette chaleur qui aujourd'hui te manques tellement. tu as froid, parce que ça fait bien trop longtemps que tu n'as pas pu voir enzo, bien trop d'années que tu n'as pas vu son visage et plusieurs fois déjà t'as déjà dessiné ses traits dans ton esprit. t'es sûr qu'enzo c'est le même, que son visage il a pas changé avec le temps, il a dû s'affiner. mais pas changer réellement. parfois tu te demandes aussi si ses cheveux sont toujours aussi indisciplinés, t'es lèvres se pincent et tu secoues doucement la tête parce que ce n'est pas le moment. bien souvent toutes ces questions se sont imposées a toi. parce qu'enzo, tu l'as jamais oublié, t'as jamais pu lui faire ça. enzo il est pas comme tous le monde, il est différent. alors quand tu te retrouves devant chez lui t'es incapable d'imaginer la scène qui va suivre, t'arrive pas à savoir qu'elle sera sa réaction. tu prends une légère inspiration avant de toquer quelques coups contre sa porte. tu t'es imaginés des discours entiers dans ton esprit. plusieurs fois même. mais quand tu te retrouves face à lui, t'es incapable de dire quoique ce soit, ton regard s'attarde sur la trace de peinture qu'il laisse sur son front en passant sa main dans ses cheveux. le seul mot que t'es capable de murmurer, c'est son prénom, parce que ta gorge elle te semble si sèche que parler devient impossible. et pendant quelques instants, c'est juste le silence qui règne, alors tu l'observes. son visage, tu en réapprends tous les traits. parce qu'il n'a pas vraiment changé enzo. mais t'as peur qu'il ne veuille plus que tu fasses partie de sa vie, t'as peur qu'il ait fait un trait sur le passé. « salut » t'es lèvres se pincent légèrement alors qu'il te tourne simplement le dos pour rentrer dans la pièce, laissant la porte ouverte derrière lui. ton regard se pose un instant sur ses épaules et son dos avant que tu n'entres à ton tour. il n'a rien dit, mais tu le connais assez pour reconnaître ce comportement. tu n'es même plus certain de le connaître aussi bien que quand vous étiez jeunes. tu refermes soigneusement la porte derrière toi et tu fais quelques pas à peine dans la pièce. « ta colère est légitime » tu l'as sentie dans sa voix, la colère. et quand bien même, tu n'oses même pas imaginer ce qu'il a pu ressentir durant ces quinze dernières années. ton coeur se serre. tu reprends la parole, mais t'es incapable de parler fort. « je comprendrais que tu ne veuilles plus jamais me revoir c'est ... ce serait normal, comme réaction. mais laisse-moi juste t'expliquer enzo ... » une demande. une supplication. tu as besoin de lui dire, de lui parler. en réalité t'as besoin de lui, tous simplement. t'as envie de fuir, de disparaître, t'as pas l'impression d'être à ta place. t'as jamais eu l'impression d'être à ta place nulle part. parce que ton père il t'a bien assez dit que tu le dégoûtes, pare que ta mère elle t'a bien fait comprendre que c'est à cause de toi que ses petits enfants porteront pas orwell comme nom de famille. tu soupirs doucement, passant une main dans tes cheveux courts.