⟩ BARROW ⟩ SMELL OF THE SEE ⟩ SHIYA

---

PATRONYME ▹ Olivia, pour le prénom. Des sonorités douces, qui sonnent comme une caresse, des accents qui fondent sur la langue, qui chatouillent la gorge et qui se terminent par un sourire. Quelque chose de simple, aussi. Elle préfères pourtant son surnom, Liv, souvenirs passés et mélancoliques d'une enfance qui s'évapore. Montgomery, pour le nom. Comme papa. Comme cette famille chérie et si loin. Loin de tout. Loin d'elle. DATE ET LIEU DE NAISSANCE ▹ Une matinée de printemps 1992 à Crawford dans le Nevada. Le 1er mai. OCCUPATION ▹ L'odeur du café alors que ses yeux se perdent dans la neige. Les grains noirs qui tournent sans relâche dans la machine bruyante. Le regard hagards des hommes et des femmes scrutant les fumées brûlantes qui s'échappent des tasses. Les lumières crues des néons blancs qui se reflètent sur le carrelage ni propre ni sale. Et bientôt, les parfums écœurant de la friture et de la viande trop cuite. Serveuse. CLASSE SOCIALE ▹ Dans ce que les autres appellent le ventre mou. Autrefois gâtée, petite reine du village qui croyait que tout était acquis. Aujourd'hui perdue dans une vie plus modeste, mais dont elle se satisfait. ORIENTATION SEXUELLE ▹ Hétérosexuelle. STATUT CIVIL ▹ Les poignets et les chevilles liées. La gorge serrée, le coeur prisonnier. Petite ballerine dansant dans une cage dorée qu'elle a finit par faire sienne. Elle se persuade que dans ce manège à deux, elle est heureuse. Amoureuse. Et quelques fois, ça marche. CARACTÈRE ▹ Douce, Passionnée, vive, excentrique, gracieuse, sensible, jalouse, fière, pleine de vie, sociable, énergique, coquette. La fille des Montgomery. La petite princesse de la famille. Autour d'elle, il y a Papa, Maman et Jake, ce grand frère qu'elle chérit. Son père, il travaille dur à la mairie. Il dit qu'il est un peu comme le chef de cette minuscule ville perdue qu'il adore. Alors, Liv, elle se met à l'aimer aussi cette ville. Son foyer. Son toit. Son air.   Enfant, elle s'amuse à faire travailler son imagination, se raconter des histoires et s'est même amusée à s'inventer un ami imaginaire du nom de Roxy. Elle s'imagine des couleurs, des aventures et des escapades loin de son train-train quotidien. Elle récupère tous les chats qu'elle trouve dans les rues et les nomme tous. Liv se rappelle de chacun d'eux et est inconsolable lorsque l'un d'eux finit sa vie sur le bitume devant chez elle. La ribambelle d'amis n'en finit pas. Liv, elle a cette aura bienveillante et chaleureuse qui est presque inexplicable. Y'en a qui dise qu'elle les attire comme une lumière trop forte hypnotise les papillons éphémères. L'adolescence frappe. Elle n'a pas vraiment le temps de s'en rendre compte. Les garçons la regardent autrement. D'abord intimidée et troublée, elle laisse faire les choses. C'est le cycle normal de la vie. Liv la rêveuse, elle s'imagine déjà mariée avec trois enfants et un labrador dans le jardin qui détruirait le potager. Cheerleader, reine du lycée, capitaine de l'équipe de football américain au bras, elle rayonne sans en faire trop. Plutôt que d'aveugler, Liv rassure comme une bonne étoile. Jamais hautaine, toujours douce et compréhensive, certains pourraient lui confier un air superficiel. Elle se laisse d'ailleurs souvent entraîner dans de mauvaises blagues. Elle est manipulable et naïve, Liv. Elle veut pas faire de la peine, Liv. Elle s'imagine qu'au moindre faux pas tout risque de s'effondrer. Alors, elle préfère acquiescer. Et tout s'est effondré, finalement. Pourtant, elle ne comprend pas ce qu'elle a fait de mal. Les contrariétés, elle les a toujours évité. Elle avait son diplôme. Son université. Son voyage à New York. Et là, à Coney Island, il y a Dylan étendu par terre. Le carmin sur la tempe. Les yeux vitreux qui la fixent. Elle hurle. Elle crie à s'en déchirer la gorge. Liv, elle voit pas le noir du coffre qui se referme sur elle. Son avenir qui lui tendait les bras. Alors, elle a tendu les siens à son tour. Mais c'est une main qui lui a tout pris. Et c'est cette même main qui lui redonna tout. Ben, il lui a tout volé. Et il lui a tout offert. Il a troqué les couleurs du Nevada contre la glace froide et blanche de l'Alaska. Il a échangé les études par une cave inconnue et terrifiante. Il a remplacé une illusion par une autre. Il est devenu sa seule famille. Son seul repère. Bourreau et sauveur. Aimé et détesté. La rancoeur qui gonfle le coeur. La peur qui devient amour.

DREAM BIG HOME Liv, elle a toujours un peu pris ses parents comme modèle. Papa, maman, deux enfants et le chien qu'elle a affectueusement surnommé Pepito quand elle était encore haute comme trois pommes. Alors, inconsciemment, elle voulait reproduire ça. Avoir son petit monde. Sa petite maison. Son petit mari. Ses enfants. Elle aurait cuisiné des tartes aux pommes à s'en brûler les doigts, à s'en brûler la langue. Maintenant, quand elle y repense, le rêve est flou, brouillé. Mélancolique. WORK La scolarité brillante et sans anicroche. L'université qui ouvre ses portes. Si papa la rêvait déjà en politicienne accomplie, elle préfère emprunter la route déjà tracée par maman. Institutrice. Liv a toujours adoré les enfants. LIFE Liv n'a jamais aspiré à une vie trépidante faite d'aventures et de rebondissements. La mécanique huilée avec ce qu'il faut pour la rendre parfaite à ses yeux. Ce qu'elle veut Liv, ce dont elle a soif, c'est de normalité. De stabilité. Rien d'extravagant. Maintenant, elle semble bien loin, la normalité. La liberté. Perdue au fin fond de l'Alaska après avoir été promenée dans un coffre sombre et froid. Prisonnière d'un être à la fois étranger et familier. Et pourtant, l'étincelle est là. Dans cette mascarade, elle s'imagine qu'elle vit normalement.

---

Code:

<z2><b>Kat Dennings ⟩</b></z2> Olivia Montgomery

Y'AVAIT LA VIE

Regarde la, cette gamine. Oui, la petite brune qui court après son grand frère. Elle doit avoir -quoi ?- huit ans ? Neuf ans ? Regarde comme elle sourit, Olivia. Ses dents blanches reflètent la lumière du jour. Il fait froid cet hiver mais, tu trouves pas qu'elle respire le soleil ? C'est clair qu'elle est heureuse. Heureuse comme une enfant pourrait l'être. Ses joues vermeilles nous hurlent la joie de vivre. Ses cheveux sombres, ils fouettent son visage comme la bise secoue les herbes folles des landes. Tu ne peux regarder qu'elle. Si tu détournes les yeux, elle pourrait s'envoler pour disparaître à travers la brume des nuages gris. Elle est aérienne, vaporeuse. Un peu plus et on pourrait croire qu'elle n'est pas réelle. Tu voies, derrière elle, les deux personnes qui la suivent ? On dirait ses parents. C'est fou comme elle ressemble à sa mère. Les mêmes yeux bleus qui ressemblent à des lacs profonds du grand nord. Elle doit avoir des rêves pleins la tête, Olivia. Elle les réalisera, c'est sûr. La vie a tout pour lui sourire.

Y'AVAIT LES AUTRES

« Me dit pas que t’as demandé à ce tocard de t’accompagner ! »

Elle est penaude et tord ses mains dans tous les sens. Jusqu’à s’en faire mal aux doigts. Elle acquiesce sans fierté.

« Si…mais c’était pour rejoindre les cheerleaders. »

C’était un de ses rêves, après tout. Elle dit ça comme pour se défendre. Et les autres filles lui avaient imposée cette condition. Demander à Skinny Benny d’aller au bal avec elle. Il avait dit non de toute façon. Ce n’était pas très glorieux, mais pas bien méchant non plus non ? Steven éclate de rire et passe son bras autour ses épaules. Olivia, surprise, manque de trébucher, mais se rattrape à son bras. Il est devenu capitaine de l’équipe de football il y a une semaine et lui a demandé de sortir avec lui au même moment. Les autres disaient que c’était une évidence. Qu’ils étaient faits pour être ensemble. Alors Liv ne s’est pas trop posé de questions et elle a dit oui, tout simplement.

« Putain, t’es géniale ! Dis moi, il a fait quelle tête ? Quelle tête il a fait hein ? »

Liv se contente de secouer la tête.

« Aucune tête particulière… Il a juste dit non. »

Elle sourit, mi grimaçante, mi gênée. Un rictus carnassier se dessine sur les lèvres du garçon qui la serre contre lui.

« Moi j’aurais jamais dit non. »


Y’AVAIT LA PEUR

La musique qui gonfle l’air. Les mélodies joyeuses et enfantines. Les sourires sur les visages des enfants et les bavardages rieurs des parents. Liv a toujours aimé la fête foraine. Et avec son diplôme en poche et son petit ami au bras, elle ne pourrait pas être plus heureuse. Elle rayonne et chacun de ses mouvements ressemble à un pas de danse. Elle est amoureuse. Elle va devenir institutrice. Puis, elle aura des enfants à son tour. Elle rentrera au Nevada et Dylan achètera une maison à Crawford ou dans une ville voisine peut-être. Et tout sera parfait. Parfait.

Une voix. Une main qui s’agrippe à son bras comme un noyé à sa planche et elle détourne les yeux. Elle ne le sait pas encore, mais elle n’aurait jamais dû répondre. L’homme qui l’interpelle… Liv ne le connaît pas. Mais lui, semble la connaître. Skinny Benny. La réalité la rattrape et elle se rappelle le malheureux incident du lycée. Elle s’en veut encore, alors elle hésite quand il lui propose un tour de grande roue. Elle se sent coupable et elle voudrait effacer les erreurs de l’ancienne Liv. C’est le bras de Dylan autour de sa taille qui la rappelle à l’ordre.

« Je suis en vacances. Je suis pressée, » balbutie-t-elle en s’excusant du regard.

Le couple prend la poudre d’escampette et disparaît dans la foule sans se retourner.

Le reste de la journée est parfait. Dylan lui achète une barbe à papa et la grande roue, elle en fait avec lui. Ils se tiennent la main tout le temps. Ils ne décident de rentrer à l’hôtel que quand la nuit se fait plus fraîche. Liv a hâte de retrouver la chaleur de la voiture.

Dans sa nuque, elle sent un regard. Instinctivement, elle se retourne. Benny. Elle reste bouche bée, étonnée et inquiète de le voir ici. Dylan s’énerve. Tout va trop vite.

Le premier coup de poing part. Puis le deuxième. Puis le troisième.

Il y a du sang sur le pavé.

Liv regard, hébétée, avant de réaliser.

Elle crie, ses paumes froides contre ses tempes brulantes. Que se passe-t-il ? Que se passe-t-il ? Dylan se relève pas. Et elle, elle est glacée jusqu’à l’os.

Elle tombe dans les vapes sans trop savoir comment. Elle ne se réveille que quelques heures plus tard. Elle étouffe dans le noir. Elle étouffe dans le coffre de la voiture. Elle pleure. Elle sanglote. Elle griffe le cercueil de métal. Ses ongles saignent. Sa gorge l’étrangle. Tout son corps est secoué de tremblements. Il va la tuer. La tuer comme il a tué Dylan.

Liv sait pas combien de temps elle est restée allongée dans la vieille voiture. Longtemps. Lorsque le coffre s’ouvre, une lumière blanche lui brûle les yeux. Ça sent l’hiver. Sa peau frissonne. Elle est trop fatiguée pour se débattre. Alors, elle se laisse faire.

C’est ce qu’elle a toujours su faire après tout. Se laisser faire.


Y’AVAIT BEN

Elle est sortie de la cave. Elle est sortie dans la rue. Elle travaille même, maintenant. Elle dessine des cœurs dans la poudre des cafés quand les clients ont la mine morne. Elle sourit aux visiteurs. Elle regarde les petites maisons arrangées le long de la route principale de Barrow en attendant que Ben vienne la chercher à la fin de son service.

La vie est simple. Elle veut s’en convaincre. Ben est là pour elle. Elle est là pour Ben. Voilà, c’est tout. Elle veut pas penser à autre chose. Parce que sinon, elle sait qu’elle ira pas bien. Pour l’instant, elle se contente de ça. Elle se contente de cette vie dans la neige où Ben est devenu Tout.