T'étais allongée là, dans tes draps blancs, tes yeux bleus scotché au plafond de ton vieil appartement, vieil appartement que tu avais décoré aussi joliment que tu le pouvais, histoire qu'il ne reflète pas ta misérable vie et ton maigre salaire. Malgré que tu adorais ton boulot et qu'il te permettait de vivre de façon correct, il ne te permettait pas de faire d'énorme extra, tu avais tout juste de quoi vivre, mais ce boulot, tu ne le quitterais pour rien au monde. Ton regard glisse vers ta fenêtre, il fait déjà nuit, t'as l'impression que le temps passe de plus en plus vite et qu'il faisait encore jour il y a à peine dix minutes, pourtant l'horloge indique déjà minuit passé. T'avais passé ta soirée là, l'air pensif, une tasse de café froid dans les mains, tu n'y avais même pas touché. Tu repenses à tout ces mecs, tout ces types à qui tu as donné ton corps, à qui tu as donné un petit bout de toi alors que tu les connais à peine, il y a des moments comme ça où tu regrettes, où tu te dis que tu n'es qu'une pauvre traînée en manque d'affection, mais tu sais que c'est faux, t'en as juste rien à foutre, quand t'as envie de baiser tu baises et basta, peu importe ce qu'il se passe autour. Il y a bien un type qui est plus particulier que les autres, qui sort du lot, Marcus, ce nom résonne dans ta tête, c'était le premier, et plusieurs années après il est toujours là à partager ton lit de temps en temps, comme si il s'agissait de ton petit ami ou tu ne sais quelle connerie dans le genre. Il est marié, tu le sais, ça te dérange mais tu dis rien, au début tu t'en foutais, mais plus le temps passe et plus t'as cette boule dans le ventre quand t'y penses, et ce qui est con, c'est que sa femme, tu la connais comme ta poche depuis ta naissance. Il ne fait pas partit des plus tendre avec toi, il te fait même flippé parfois, mais tu sais pas pourquoi, tu finis toujours par lui dire oui, comme si t'étais l'une de ses putains, parce que tu peux pas t'en empêcher, tu peux rien lui refuser, parce que le cœur de pierre que tu prétends avoir n'est peut être pas si dur que ça. Tu entends des bruits devant ta porte, et tu vois la poignet tourner, tu restes planté là pendant quelques minutes, tu sais que c'est lui, et qu'il est encore bourré, parce qu'il l'est toujours quand il vient te voir. Tu te lèves de ton lit pour ouvrir la porte, sans rien dire, tu le regardes avec un regard froid et sans émotion, sans même un peu de surprise, parce que tu savais depuis le début qu'il allait venir. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Fais-tu avant de soupirer. « Ça peu plus durer, tout ça ... » Ajoutes-tu à toi-même, d'une voix basse. Tu décides quand même de l'aider à se relever et à entrer, l'asseyant sur ton lit , car tu sais pertinemment qu'il ne bougera pas de là.

Il sentait l'alcool à plein nez, cette odeur t'as toujours rebuté chez lui, non pas qu'il te dégoûtait, mais c'était comme si il avait toujours besoin d'avoir quelque chose dans le sang pour venir te voir, pour oser te toucher, comme si il avait honte, ce qui était sûrement le cas. Tu pouvais plus, tu pouvais plus assumer tout ça, t'es une fille courageuse Hazel, t'as jamais aucun remord, jamais aucune gêne, et depuis toutes ces années t'avais réussi à surpasser tout ça, à t'en foutre de tout pour laisser place au désir incontrôlable que tu avais pour lui, et même si c'était le mari de ta putain de cousine, t'en avais rien à foutre. Mais plus le temps passe, plus son cas s'aggrave, plus  ça devient invivable pour toi. Ce mec que tu désires depuis tes seize ans, depuis le premier jour où tu l'as rencontré, c'était une erreur, une grosse erreur. T'avais peur de lui dire, parce que tu sais de quoi il est capable. Tu sent sa main grande et forte serrer ton bras frêle, et tu te laisses tomber sur le lit, à ton tour. Tu le regardes avec pitié en retirant violemment ses doigts de ta bouche, comme pour lui faire comprendre que ce soir, ça ne se passera pas comme tout les soirs, ça ne se passera pas comme il le souhaite. « Je peux plus, je peux plus assumer tout ça. » Tu détournes le regards en t'asseyant au bord du lit. « Je veux plus être ton putain de jouet, Marcus. » Fais-tu d'un ton franc et sec, retournant à nouveau tes yeux sur lui, le regards dur. A peine ses mots sortit de ta bouche que tu regrettais déjà ton geste, de t'être montré menaçante face à lui, parce que tu sais qu'il va te faire payer, mais tu te sent libérer de ce poids que tu avais sur les épaules depuis un moment, de cette boule dans le ventre.

Tu sens la tension monter en flèche, l'énervement, et ton cœur bat de plus en plus vite, chez toi, c'est la peur que tu sens monter. Il te faisait peur, en même temps, il pouvait faire ce qu'il voulait de toi, là, à cet instant précis, t'es plus que vulnérable. Tu pourrais prendre ton flingue caché dans ta table de chevet, ou le menacer de tout dire à papa, ouais, ton père lui réglerait son compte comme il se doit, mais t'en a pas envie, t'as encore beaucoup trop d'estime et de respect pour lui pour lui faire autant de mal. Tu ne réponds pas à sa question, la réponse est évidente, et à en croire les paroles qu'il prononce juste après, il a parfaitement compris de quoi tu voulais parler. 'Une pute comme toi', ouais, à ses yeux t'es qu'une pute, un objet dans lequel il vide tout ses problèmes de temps à autre, une pute, c'est tout ce que t'es pour lui. Toi qui prétends avoir un cœur de pierre, toi qui prétends avoir une carapace impénétrable, ça te blesse, il te perce le cœur rien qu'avec ses mots, mais tu ne t'attendais pas à une réaction plus joyeuse ou plus compréhensive de sa part, c'est Marcus dans toute sa splendeur. « Je te demanderai jamais ça parce que je sais que t'en a pas les couilles. » Fais-tu sèchement, au moins c'était dit, c'est vrai, Marcus n'est pas heureux dans son mariage et ne le sera sans doute jamais. Peut être qu'il serait mieux avec toi, que toi tu saurais le rendre heureux comme il mérite de l'être. Ne te dis pas de telle connerie, Hazel, t'as jamais su rendre heureux personne, tu sais le faire à travers le sexe, mais combler un homme dans la vie de tout les jours, ça n'a jamais été ton truc. Tu apprécies tout de même l'idée tout en sachant que c'est impossible. Tu restes assise sur le lit, le fixant droit dans les yeux avec pitié et dégoût. Tu l'écoutes s'énerver contre toi et te lève à ton tour, prenant ton courage à deux mains pour lui faire face. Tu ne peux t'empêcher de sursauter lorsque la bouteille se brise sur le mur en brique de ta chambre. Ses mots te transpercent le cœur, à nouveau. « Et qu'est-ce que ça peu te foutre hein ? Je ne t'appartiens pas, je ne suis pas ta petite amie, ta femme ou je ne sais quoi. Peut être que si tu te montrais un peu plus respectueux et reconnaissant envers moi, peut être que tu aurais un jour l'honneur d'être le seul à partager mon lit. » Lances-tu, tes yeux bleus pourtant noir de colère planté dans les siens.